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Figure 1: Robot se posant des questions sur l’avenir du secteur ?

Résumé
Comme d’autres secteurs, les organisations touristiques et hôtelières s’engagent massivement dans des démarches de transformation digitale. La mise en place et l’utilisation de ces dispositifs technologiques génère des questionnements sur les effets sur la nature du travail, les compétences à mobiliser et les reconfigurations du lien social et des modes de collaboration et coopération entre ligne hiérarchique et travailleurs, entre travailleurs, et entre travailleurs et tiers (clients, citoyens). A travers une méthodologie mixte, cette recherche s’intéresse au processus d’hospitalité dans les situations d’accueil hôtelier lors de l’intégration des technologies intelligentes (smartphone et chatbot). L’analyse ergonomique des activités d’accueil des acteurs de l’hospitalité (manager de réception, réceptionniste etc.) vise à comprendre les pratiques permises, empêchées ou transformées par l’usage de ces technologies. Un autre objectif est celui d’approcher les représentations des concepteurs et des dirigeants sur les usages préconçus à priori de ces dispositifs afin d’établir des recommandations pour la création de dispositifs soutenables et soutenant les activités d’accueil.

Mots clés
Hospitalité – intelligence artificielle – Technologie – Activité – Marge de
manœuvre

1 Introduction
1.1. Contexte de la recherche
Notre recherche doctorale (menée dans le cadre du projet CAPSMART) vient en réponse aux préoccupations portant sur le devenir des travailleurs des organisations touristiques étant donné le développement des technologies intelligentes et l’adoption annoncée des systèmes d’intelligence artificielle (IA). Elle repose sur l’exposé d’un double objectif de recherche : (i) analyser ,et comprendre le processus d’adoption des technologies intelligentes par les organisations touristiques et les acteurs de l’hospitalité et (ii) analyser les reconfigurations individuelles, collectives, organisationnelles des activités d’hospitalité liées aux usage des dispositifs technologiques intelligents.

1.2. Tourisme & hospitalité
À l’échelle de l’organisation, la digitalisation ou transformation digitale renvoie à l’introduction d’outils numériques (smartphone connecté, chatbot, borne automatique d’accueil, robot…) dans l’activité de travail transformant de manière profonde les formes de travail et de l’emploi (Benedetto Meyer,2019 ; Chia, Dentona & Gursoya, 2020). L’ère du digital montre des organisations touristiques qui s’engagent massivement dans des démarches de transformation digitale (Dudezert, 2018 ; Ivanov & Webster, 2019) et qui se questionnent comme en atteste la revue de littérature autour de l’automatisation intelligente dans le secteur du tourisme et de l’hôtellerie (Tussyadiah, 2020). La plupart des contributions sont centrées sur l’expérience du touriste, seulement une faible partie concerne les fournisseurs de service (« suppliers »). Lorsque que c’est le cas, les recherches traitent des effets des technologies sur les préoccupations centrées « business », bien plus que sur les modifications des tâches, des compétences, du sens du travail ou la qualité de l’emploi des employés. Pourtant, ces dispositifs outillent désormais des travailleurs dans leur tâche, dans leur relation avec les collaborateurs et les clients, ayant aussi comme effet d’étendre la relation de service avec le client, en dehors du strict cadre de l’organisation. De ce fait, les possibilités d’action de ces derniers et leurs exigences vis-à-vis des acteurs touristiques sont renforcées, créant encore de nouvelles exigences pour les travailleurs. Pour le secteur touristique, c’est l’ensemble des conditions d’exercice du travail qui a évolué, ainsi que la forme de la relation de service notamment dû à l’accumulation des données qui, alimentée par le big data, deviennent des moyens de différenciation et de personnalisation de l’expérience touristique. Un enjeu initial déterminant de ces technologies serait pourtant que leur usage favorise la disponibilité des acteurs de l’hospitalité pour assurer la fonction d’accueil dans ses interactions face au client. Alors que l’activité d’hospitalité présente son expression la plus complète quand elle se situe au niveau des interactions en face à face, les dispositifs technologiques s’intègrent à l’humain (fonctions supplétive ou palliative), voir le supprime (fonction substitutive) dans les activités d’accueil (Bobillier Chaumon, 2019 ; Ivanov & al 2020). Quelques recherches se sont toutefois centrées sur les travailleurs. Dans une étude sur les rôles et compétences des travailleurs dans l’hôtellerie de la région de l’Asie-Pacifique à l’horizon 2030, Solnet et ses collaborateurs (2016) estiment que les exigences du secteur se tourneront non pas vers le remplacement des travailleurs, mais vers un renforcement de leurs compétences technologiques et de leurs compétences relationnelles, adaptatives aux besoins spécifiques des clients. Le cas de l’hôtel Hen-na au Japon est emblématique puisque, si en 2015 les réceptionnistes ont été remplacés par des robots humanoïdes, la direction a récemment « licencié » la moitié de ces robots (Ivanov & al, 2020).

Figure 2 : accueil de l’Hôtel Henn-Na

La mise en place et l’utilisation de ces dispositifs, au-delà des questions ergonomiques de facilité d’usage et d’utilité, entraînent souvent une modification de la nature du travail, des compétences à mobiliser et reconfigurent le lien social et les modes de collaboration et coopération entre ligne hiérarchique et travailleurs, entre travailleurs, et entre travailleurs et tiers (clients, citoyens) (Cascio & Montealegre, 2016). Pourtant on sait que pour les organisations touristiques la relation d’hospitalité répond à une dynamique collective se situant au niveau du « système de service ». La compréhension du phénomène interactionnel nécessite non seulement de comprendre et de regarder l’interactivité de la relation mais également « tout ce qui se joue lors de l’échange entre les opérateurs et les clients » (Petit, 2005) aussi bien que les enjeux entre les travailleurs et le système organisationnel. La production d’un service est donc un construit, issu d’une négociation collective dissymétrique entre plusieurs acteurs (Falzon et Lapeyrière, 1998). La technologie prend sens dans un usage situé et dans la faculté qu’elle donne aux acteurs, une capacité à agir avec le dispositif, une possibilité d’exprimer leur volonté d’agir, et de l’expression effective d’un rayon d’action au quotidien ((Medzo-M’engone et al., 2018) d’exercer leur métier dans les règles de l’art (notions de qualité et de sens du travail), d’être en capacité de développer leur activité et de renouveler leurs compétences tout en conserver leur autonomie.


1.3.L’adoption technologique
La question de l’adoption de la technologie est abordée à travers une approche systémique et pluridisciplinaire (approche tourisme & psycho ergonomique) ancrée dans la perspective de Bobillier Chaumon (2018) qui propose une articulation des approches de l’acceptation sur une trajectoire
d’usage. Elle vise à identifier les raisons qui poussent les individus à accepter ou à rejeter ces nouveaux dispositifs. Dans ce cadre, Il s’agit moins pour nous de mesurer l’acceptation des technologies que d’évaluer l’acceptation des nouvelles pratiques qui sont permises, empêchées ou transformées par l’usage des dispositifs techniques. Dans ce système de service, l’usage effectif de la technologie prend sens selon nous dans la faculté qu’elle donne aux acteurs, une capacité à agir avec le dispositif, une possibilité d’exprimer leur volonté d’agir, et de l’expression effective d’un rayon d’action au quotidien (Medzo-M’engone et al., 2018) permettant de vivre le métier dans les règles de l’art (notions de qualité et de sens du travail, (Morin & Forest ,2007)), d’être en capacité de développer leur activité et de renouveler leurs compétences tout en conservant leur autonomie. Dit d’une autre façon, la technologie ne doit pas seulement avoir du sens pour les futurs utilisateurs – qu’elle soit utile, utilisable (acceptation pratique) et bien perçue (acceptabilité sociale), il faut aussi qu’elle donne du sens à l’activité qui se réalise. Une même technologie pouvant être mise en œuvre dans des contextes différents (modes de management, procédures, qualification des salariés, gestion du changement) et donner lieu à des résultats très différents en termes d’adoption par les acteurs.


1.4.Marge de manœuvre situationnelle
Au carrefour de cette activité, la marge de manœuvre des acteurs se définit « comme la possibilité ou liberté dont dispose un travailleur pour élaborer différentes façons de travailler afin de rencontrer les objectifs de production, sans effet sur la santé » (Flageul-Caroly, 2001, p. 87). La marge de manœuvre dans une situation donnée est donc construite à partir des caractéristiques de l’individu et de celles de son environnement de travail, dont certains déterminants potentiellement majeurs sont relativement éloignés temporellement et géographiquement de la situation considérée (i.e. par des actions clientes à distance par exemple). La dénomination « marge de manœuvre situationnelle » (Coutarel & Petit, 2013) constitue une vision encore plus située des possibilités d’action d’un acteur, d’élaborer un mode opératoire efficient (c’est-à-dire efficace pour la performance et compatible avec la préservation de soi, voire le développement de soi par le travail). Des marges de manœuvre importante se traduisent par plusieurs modes opératoires possibles : l’opérateur peut les alterner, en inventer de nouveaux, cela permet simultanément de ne pas solliciter tout le temps les mêmes fonctions (physiologiques, cognitives, etc.), d’ajuster son activité au plus près des spécificités de la situation de travail, de contribuer à des formes d’innovations sociales et organisationnelles favorables au développement de la performance, de développer en somme des stratégies de régulation (Major & Vézina, 2011). Il s’agit ici d’alimenter cette recherche sur la trajectoire d’usage à travers notamment les concepts de régulation et de marge demanœuvre.

2 Méthodologie
2.1. Structuration des études

La structure de notre protocole de recherche relève d’une démarche évolutive découlant en premier lieu d’une analyse quantitative (de juin à octobre 2019) des technologies adoptées par les organisations touristiques bruxelloises (hôtels et musées) et des projections d’adoption fondées sur l’acceptabilité sociale des technologies vue par les cadres de ces organisations (cadre dirigeant, cadre dirigeant-manager, cadre opérationnel). Ensuite, une analyse qualitative (octobre 2019 à mars 2020) a été menée avec des managers de proximité de la réception, des managers généraux, des réceptionnistes : entretiens exploratoires et observations dont l’objectif était de recueillir l’activité réelle médiatisée par les technologies.

2.2. Etudes qualitatives
2.2.1. Etude d’un smartphone connecté dans un groupe hôtelier

Une première étude de cas ciblant trois organisations hôtelières pilotes s’est centrée sur l’activité du service de réception (manager et réceptionniste) médiatisée par les dispositifs technologiques mobiles (i.e. Internet des objets). Ces trois hôtels pilotes sont en phase de test d’un dispositif smartphone interopérable et connecté utilisé entre réceptionnistes ainsi que les différents services de l’hôtel (housekeeping, maintenance…). Ce dispositif mobile de réception intégrant le PMS (système de gestion de l’hôtel) vise surtout une plus grande proximité avec le client (accueil proactif du client) et s’inscrit dans une dynamique globale de digitalisation de l’entreprise. Des entretiens ont complété nos observations à la fois dans le service de réception (réceptionnistes, managers de proximité) et hors du service de réception (responsable IT, manager général, chef de produit).


Méthode d’analyse de l’activité.

Des observations générales du travail de réception sur 3 demi-journées ont été réalisés ainsi qu’un suivi d’activité individuel des managers de réception sur 1 journée. Les objectifs poursuivis par les observations étaient la compréhension des relations et interactions des réceptionnistes avec les clients, le fonctionnement général du service avec prise en compte des dimensions collectives et collaboratives du travail à la réception, mises en relation avec l’activité managériale. Le suivi d’activité réalisé sur base de la méthode de l’analyse ergonomique du travail se présentait sous la forme d’une chronique d’activité dans laquelle le chercheur accompagnait chaque acteur pendant une journée de travail en prenant en note, avec des indications temporelles, l’ensemble des activités réalisées par ce dernier, ses interactions avec le service de réception, les autres services, les clients, etc. Les verbalisations ont accompagné les observations et le suivi d’activité quand la situation le permettait. Dans le cas contraire, le retour sur l’activité se faisait en post-activité.


2.2.2. Etude du chatbot dans un hôtel indépendant
Cette étude est en cours de construction. Le chatbot est un dispositif d’IA conversationnel (Dubois et al 2019 ; Velkovska & Zouinar, 2019) qui permet de communiquer avec les utilisateurs, qui traitent le langage des humains en offrant une réponse écrite aux utilisateurs par le recours à un langage humain simulé. Les chatbots sont utilisés dans différents contexte de services, la recommandation touristique ou la réservation d’hôtel (Parmar, Meshram, Parmar, Patel & Desai, 2019). Nous avons recueilli les représentations du dirigeant d’une PME et du concepteur du chatbot concernant l’impact sur les activités de réception lors d’un entretien et d’une démonstration de l’usage du chatbot par le concepteur.

3 Résultats
3.1.Résultats préliminaires

Les premiers résultats que nous pourrons aborder lors de la communication proviennent de l’étude quantitative. Ce questionnaire à destination des cadres hôteliers et muséaux bruxellois a permis d’identifier des différences de représentations sur l’IA et les technologies intelligentes. Dirigeants et managers opérationnels ne partageant pas la même représentation vis-à-vis de l’IA et ses effets sur l’humain et l’organisation du travail. Cette enquête a également permis de montrer que les technologies
avec un important intérêt d’adoption sont notamment les technologies connectés (3.2) et les agents conversationnels (3.3).


3.2.Smartphone connecté

figure 3 : smartphone connecté quels effets dans les situations d’accueil?

Tout d’abord, nous identifions un dispositif difficilement intégré dans l’activité globale de réception. Il s’agit pour les acteurs de l’hospitalité de traiter non pas une seule tâche pour un unique client mais, dans la plupart des situations, traiter simultanément plusieurs tâches sur plusieurs médias et d’agir en anticipation pour se laisser des marges de manœuvre en « front office ». L’activité très fluctuante faite de pic (pic de check-in, pic de checkout) offre peu de place dans le choix du mode opératoire d’accueil du client. En effet, Les nombreuses situations observées dans les périodes de rush témoignent d’une difficulté à garder le contrôle sur son activité et de la nécessité de devoir se placer derrière le desk pour une gestion optimisée et ordonnée des files d’attente : « Parfois quand il y a un rush, tu ne sais pas
être devant le client… faire ça comme tu voudrais, quand t’es entouré t’es pas conscient de ça, alors que quand tu vois depuis ta réception, t’as une vue globale, tu vois ce qui se passe. Tu sais un peu mieux gérer les groupes que quand tu es entouré de tout le monde » (réceptionniste). Les résultats de l’analyse ergonomique montrent que le smartphone se révèle peu adapté aux situations vécues à la réception. Dans certains cas, le dispositif est même contraignant pour la réalisation de certains types de tâche parfois même, ne prend pas en compte la diversité des tâches à réaliser qui varie dans chaque hôtel pilote. Cette activité connexe n’est parfois pas du tout prise en charge par le dispositif smartphone : « La fonction overbooking est une fonction primordiale que l’on doit avoir mais on ne l’a pas sur le smartphone. C’est une fonction qui est obligatoire que l’on utilise tous les jours tous les shifts on est obligé de modifier les disponibilités » (réceptionniste). Une variété des tâches qui trouve aussi écueil selon le « shift » (jour, nuit, matin), le type de clientèle (business, famille, loisir), les enjeux liés à la localisation (sécuritaires etc…) les spécificités de chaque réception dans la répartition entre tâches administratives de « back office » et tâches en « front office », le nombre de services qui peuvent venir se juxtaposer (vente, distribution, surveillance, bagagerie…) à la situation principale d’accueil et d’interaction avec le client. L’analyse de situation d’accueil en l’apparence sans pression humaine (ie. Sans attente physique de client) a montré que l’activité distancielle des clients sur les plateformes de réservation OTA (« online travel agency ») est en fait génératrice d’une pression temporelle pour les réceptionnistes dans certaines situations imposées par l’infrastructure du système de réservation du groupe hôtelier. L’activité « online » est un déterminant de l’activité du réceptionniste, générant de surcroit une limitation
de la marge de manœuvre situationnelle due à la pression temporelle dans la réalisation de certains actes des réceptionnistes, méconnus des concepteurs de l’application éclairant pourtant la définition d’un « bon réceptionniste » : « Par exemple demain j’ai 0 chambre mais je peux tricher et faire croire à l’ordinateur que j’ai une chambre en plus et au moment où je fais ça je dois me dépêcher parce que Booking Expedia ils peuvent réserver à ce moment là. Donc je fais ça mais une fois que j’ai fait ça sur ce type de chambre là je dois faire l’inverse sur celle-là. Et donc ça c’est un truc que l’on fait souvent. » (Verbalisation post activité d’un réceptionniste). Cette question relative au sens du travail fait ressortir un dispositif qui porte dans son usage des conflits de buts importants, entre buts issus d’une logique du service au client et des buts commerciaux. Un changement de sens de la relation de service que l’on retrouve chez les réceptionnistes expérimentés qui perçoivent le dispositif comme une menace pour la qualité de service ainsi qu’une remise en cause de leurs identités de métier et de leurs savoir-faire.

3.3.Chatbot

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Figure 4 : chatbot une gestion complexe pour quelle valeur ajoutée?

A ce stade, nos résultats portent sur les motivations d’adoption du chatbot par le dirigeant de la PME touristique ainsi que d’un subjectivisme du dirigeant sur les effets sur le travail de réceptionniste. Les représentations des concepteurs ont aussi été recueilli lors d’une démonstration sur plateforme virtuelle du chatbot encadré par un canevas de questionnement du chercheur. Les résultats intermédiaires pour ces acteurs montrent que le chatbot est vu comme une nouvelle modalité de communication, alternative à la relation humaine « favorable à l’expérience client » et à la suppression d’un travail « sans valeur ajoutée » (concepteur). Une première rencontre informelle avec un réceptionniste identifie que le recours aux compétences et connaissances des réceptionnistes n’est pensé, au mieux, qu’en cas d’échec de l’interaction avec le robot. Le rôle de l’humain est réservé et pensé comme un assistant d’escalade, en relais du bot. De ce fait, la relation avec le client se retrouve fortement modifiée, car débutant par une première expérience non aboutie. Les acteurs se voient confrontés à une proportion beaucoup plus importante de cas problématiques ne parvenant plus à alterner les cas complexes, techniquement ou émotionnellement couteux, avec des cas plus « simples moins couteux en ressource pour soutenir l’activité. Comme pour l’usage du smartphone, l’intégration du chatbot a reconfiguré l’activité vers une orientation plus commerciale des activités (i.e. relance de réservation par mail et, ou, téléphone) due à la capacité du bot à recueillir les données clientes.


4 Conclusions
Les deux dispositifs étudiés sont sources de difficultés, ils ne remplissent pas la fonction de support aux activités des acteurs de l’hospitalité. De plus, ces deux dispositifs semblent réorienter le sens de l’activité de services des réceptionnistes vers une activité plus commerciale. Spécifiquement, pour le
smartphone, on observe que ce dernier ne permet pas la régulation des situations d’accueil, en couvrant l’ensemble des activités de « front » et « back » à la réception et ne permet pas non plus le développement d’une marge de manœuvre situationnelle (Coutarel et Petit, 2013) qui permettrait le choix du mode opératoire d’accueil des clients. Le chatbot, pensé comme un dispositif supplétif des tâches d’information « sans valeur ajoutée », joue bel et bien ce rôle mais amène parallèlement, une nouvelle complexité à gérer dans les demandes client, ainsi qu’une plus grande flexibilité pour pouvoir jongler entre accueil physique et demande provenant du chatbot.

5 Perspectives de la recherche
Des observations systématiques anthropocentrées par l’usage d’un dispositif oculométrique (lunettes d’eyes-tracking, Tobii glasses Pro 2)cibleront les acteurs « front office » dans leur usage réel des technologies susmentionnées (i.e. smartphone, chatbot) dans le cadre de la délimitation
d’une situation d’accueil. Le recueil de données sur l’activité des réceptionnistes servira de matériel de discussion pour la réalisation d’entretiens d’auto-confrontation avec le collectif de réception (manager de
proximité) et si possible en élargissant ces groupes à d’autres acteurs de l’organisation essentiels dans ce système de service (i.e. revenu manager, gouvernante). Les confrontations aux vécus serviront de base aux
explicitations des acteurs. La suite de l’étude sur le chatbot au-delà d’une analyse systématique, visera à comprendre quelles fonctions remplies réellement par ces dispositifs et s’ils sont réellement une aide au travail des réceptionnistes dans le réel de l’activité et notamment, s’ils permettent le développement des activités ou d’autres activités dans des conditions mul-instrumentées (i.e. comprenant la présence des bornes digitales d’information client, d’accueil, des technologies d’automatisation du contenu des courriels, des technologies QR code etc.). Un autre objectif de notre travail doctoral est de construire un cadre de projection des situations d’accueil futures. Nos analyses contribuent à traduire en piste de conception et d’amélioration des technologies intelligentes centrées sur l’humain et son activité. Il s’agira donc par le biais des études de cas d’intégrer les représentations des concepteurs en partageant le point de vue du travail réel pour faire évoluer ces dispositifs de médiatisation du travail et accompagner la formation des futurs professionnels amenés à user de ces dispositifs. L’incertitude générée par la crise covid19 rend difficile les projections sur la faisabilité des recherches futures. Leurs réalisations dépendront de plusieurs facteurs : des décisions prises par les organisations hôtelières de poursuivre dans les orientations technologiques, de l’accès au terrain et de la capacité de résilience de ces organisations à se relever de la crise du covid-19.

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